QUELLES FORMES D’INTELLIGENCE INSPIRERONT l’IMMOBILIER DE DEMAIN ?

Article Eric SIESSE – Directeur général adjoint – BNP Paribas Real

L’immobilier tertiaire entre dans une nouvelle ère, celle de l’intelligence augmentée. Chez BNP Paribas Real Estate, nous l’identifions comme un puissant levier de transformation qui réinvente les lieux et les usages en laissant ouvert le champ des possibles. Enjeux environnementaux, humains ou technologiques, toute la chaîne de valeur du secteur est impactée. Qu’elle soit structurelle, artificielle, servicielle, collective, créative, ou vivante, de notre point de vue, l’intelligence sera la pierre angulaire de l’immobilier de demain.

L’intelligence au service de l’environnement

A l’heure de la transition écologique, l’immeuble de bureau doit capitaliser sur l’innovation en devenant toujours plus smart en termes d’efficience énergétique. Concilier enjeux environnementaux et croissance économique, tel est de plus en plus souvent le crédo des entreprises dans leur quête de nouveaux locaux. A la confluence de ces tendances, utilisateurs comme investisseurs misent de plus en plus sur l’intelligence structurelle pour répondre à des objectifs de durabilité et d’optimisation des dépenses. Prévoir efficacement l’obsolescence d’un bâtiment et garantir sa pérennité sur un cycle long, c’est agir dès sa conception et tout au long de son utilisation sur ses qualités intrinsèques dans une logique d’économie circulaire. L’objectif est de répondre à toujours plus de flexibilité, de réemploi et de réversibilité à l’heure où les enjeux business des clients évoluent rapidement, intimant à l’immeuble de s’adapter aussi vite que le contexte le nécessite.

Pour anticiper ces mutations, Orange a lancé Le Lab 114. Il s’agit d’un espace intègrant les principes de l’intelligence structurelle : il se veut en effet flexible, mouvant et reconfigurable selon les besoins. Le Lab est ainsi équipé d’un grand espace faisant à la fois office de salle plénière et de workshops en plus petits groupes. Un marquage au sol vient créer des repères qui indiquent où et comment positionner le mobilier en fonction de la configuration souhaitée.

En tant qu’interlocuteurs privilégiés des entreprises, nous constatons qu’elles se tournent également vers l’intelligence du vivant, en misant sur des bâtiments qui ont la capacité de se régénérer à travers la réintroduction du végétal dans leurs espaces. Intégrer la nature de façon systématique dans les immeubles et s’en inspirer à travers notamment le biomimétisme, c’est contribuer à la biodiversité, réduire les îlots de chaleur et favoriser la rétention des eaux pluviales et la régulation de la température ambiante. Parmi les concepts qui s’imposent depuis peu, l’agriculture urbaine investit de plus en plus les terrasses et les toits des immeubles. Notre siège d’Issy-Les-Moulineaux illustre cette tendance avec l’aménagement de potagers urbains sur les terrasses où plus de 70 variétés de plantes sont présentes. Des plantes aromatiques en libre-service, aux grands bacs avec arbres fruitiers et fleurs pour la pollinisation, tout est en symbiose avec l’environnement.

L’intelligence au service de la créativité et de la performance de l’utilisateur

Le changement de paradigme du travail place désormais l’humain au cœur des organisations. A la fois cadre et support des expériences de travail, l’aménagement des espaces est devenu l’un des critères essentiels de bien-être favorisant l’intelligence collective et créative. Des salles de créativité, aux espaces projets, labs d’innovation, fablabs, digital centers, ou encore learning hubs, l’immobilier se décloisonne pour proposer des typologies d’espaces adaptés aux modes de travail et temps de vie des utilisateurs. Cette multiplicité des formats à fort design d’usages a pour vocation de casser les silos, libérer les échanges ou encore soutenir le cross-mentoring entre toutes les parties prenantes de l’entreprise, du collaborateur au freelance ou prestataire pour aboutir in fine à de meilleurs résultats.

Des ambitions que l’on retrouve au sein des locaux de Station F, reconfiguration de l’ancienne Halle Freyssinet, confiée à Jean-Michel Wilmotte, qui a imaginé trois zones fonctionnelles distinctes et disposant chacune d’une identité propre : Create est le cœur proprement dit de l’incubateur. Il abrite les postes de travail et l’infrastructure nécessaires aux start-up. Il est organisé en plateaux ouverts pour favoriser les interactions entre les jeunes pousses. Share est un espace de rencontres, destiné entre autres aux jeunes entrepreneurs et à leurs partenaires extérieurs. Il est équipé d’un auditorium, d’un fab lab, de salles de réunions formelles (avec tables et chaises) ou informelles (poufs) et de zones partagées pour des échanges conviviaux. Chill représente la partie ouverte au public avec le restaurant La Felicita.

L’intelligence au service d’un immeuble connecté et communicant

De plus en plus connecté à ses occupants, l’immobilier tertiaire entre dans l’ère de l’intelligence servicielle pour répondre au plus près à leurs attentes. Avec le digital, le bâtiment devient une plateforme de services numériques sensés améliorer leur qualité de vie. Imaginez que chaque collaborateur dispose d’un assistant virtuel, capable de personnaliser son environnement de travail ? Proposant toujours plus de services, l’immeuble de demain sera expérientiel et permettra notamment d’optimiser les parcours utilisateurs au service de leur confort et bien-être. Pour ce faire, le déploiement de capteurs, qui seront omniprésents jusque sous les tables, les sièges ou dans les salles, feront partie des solutions pour une exploitation optimale de l’occupation des espaces.

A titre d’exemple, au sein de son campus basé à Issy-les-Moulineaux, Microsoft a analysé les flux enregistrés via des capteurs pour établir des scénarios quant aux parcours des différentes populations, clients, visiteurs, collaborateurs et personnes en situation de handicap. Ces divers aspects constituent un programme à part entière nommé, The Loby Experience.

Mais c’est certainement l’intelligence artificielle qui s’annonce comme l’une des plus grandes forces transformatrices du secteur sur ces prochaines années. Le changement est déjà en marche ! Grâce à l’accès à un nombre inédit de données, l’immeuble est désormais capable d’améliorer ses propres performances, tant en termes de conception, d’exploitation que de commercialisation. Et si demain, nous pouvions faire coïncider les données d’usage d’un bâtiment à celles d’un futur locataire pour identifier en instantané le bien immobilier en parfaite adéquation avec ses attentes ?

Les différentes formes d’intelligence s’inscrivent désormais comme un accélérateur de changement de l’immobilier où l’exploitation est toujours mieux maîtrisée, où les services et les interconnexions comptent plus que les mètres carrés et où l’humain est à la fois le point de départ de toute réflexion et la finalité de toute action.